Semelles de vent

La fête de Norouz en pays kurde

Bon je sais, ça fait plus de 5 mois que je n'ai pas donné de nouvelle ni raconté un voyage... mais après mes mésaventures concernant la maison dont je vous ai tant parlé, je ne me suis plus senti le courage de parler...

Une autre maison est en vue, j'espère vous raconter ça dans une quinzaine de jours.

 

Dernièrement j'ai réalisé un projet que j'avais depuis un an avec un ami kurde de Damas, aller assister aux fêtes de Norouz dans le kurdistan syrien.

 

Petit rappel : Les kurdes sont environ 50 millions dans le monde dont 35 dans le territoire du Kurdistan, qui vivent là avec leur langue et leurs traditions depuis plus de 4000 ans. Ce territoire est actuellement partagé entre la Turquie, l'Iraq, l'Iran et la Syrie où ils sont environ 2 millions. C'est le tracé des nouvelles frontières par la France, l'Angleterre, la SDN et la Turquie entre 1920 et 1923 qui, négligeant la possibilité de créer un pays pour une "nation" kurde, a réparti cette population entre les nouveaux pays créés. 

Des kurdes de Syrie personne ne parle jamais. Depuis l'arrivée au pouvoir en 1963 du parti Baas, ils sont soumis à une oppression rigoureuse, parfois sanglante, à une spoliation de leurs terres et, pour plus de 350.000 d'entre eux, à une négation de leurs droits fondamentaux et de leur identité (c'est à dire qu'ils n'ont aucun papier d'identité! Rappelez vous ces kurdes qui ont débarqué en Corse il y a 2 ans pour demander le droit d'asile en France, ils venaient de Syrie). 

Pour ceux que ça intéresse il existe un livre en français: "La question kurde en Syrie" de Abdulbaset Seida, paru en 2002 chez L'Harmattan.

 

La fête de Norouz est une fête multimillénaire qui est devenue la fête "quasi nationale" de tous les kurdes du monde, et qui est aussi (21 mars) le début du printemps, ce qui se manifeste par le fait que ces célébrations se font par de grands rassemblements dans la nature, et non dans les villes.

 

Nous sommes partis avec mon copain Yassin et son fils le dimanche 20 en voiture de location pour Alep où un de ses amis pouvait nous loger pour la nuit. A cette occasion j'ai pu découvrir une autre image d'Alep, non pas son centre touristique avec la citadelle, ses souqs et ses vieux quartiers, mais une banlieue habitée par des kurdes, délaissée, avec ses rues défoncées et ses habitations mal finies en parpaings.

 

Comme dans toutes les familles traditionnelles et plutôt pas riche de Syrie, il y a une pièce où se tiennent les hommes et les invités hommes, avec des matelas et des coussins au sol sur trois côtés, et sur le dernier côté un buffet au milieu du quel trône invariablement une télévision. Au centre de la pièce des tapis, et on se déchausse avant d'entrer. La télé est allumée en permanence et la télécommande passe de main en main; il peut y avoir une conversation animée, ou bien on peut jouer aux cartes, le son reste toujours fort, c'est parfois un peu pénible à supporter!

 

Au petit matin nous sommes partis en voiture vers Afrin au nord d'Alep (voir la carte ci dessus), puis de là à une dizaine de km à travers les montagnes et les oliviers pour trouver un endroit où se déroulait une fête. Plus nous avançons vers ce lieu, plus nous rencontrons de voitures, de tracteurs avec leur remorques plein de gens debouts tenant des drapeaux, chantants ou criant des slogans (beaucoup en faveur d'Oçalan, le chef du PKK, parti kurde de Turquie, qui est en prison depuis des années), des jeunes en moto...

 

En pleine nature près d'un lac de barrage, tout à coup nous découvrons une immense foule, des voitures garées dans tous les coins, des familles entières installées sur des tapis et pique-niquant tranquillement. Et des gens partout qui se promènent. Au milieu du plus gros de la foule, un grand cercle délimité par des piquets et des ficelles, où se trouve une estrade avec des musiciens, des danseurs traditionnels, et en première ligne au tour de ce cercle les gens se tiennent par la main et dansent en tournant tous dans le même sens.

 

Plus le temps passe et plus la foule grossit de nouveaux arrivants, je pense qu'il devait y avoir au moins 10.000 personnes! Ambiance très chaleureuse, plusieurs kurdes sont habillés en costume traditionnel, les enfants courent dans tous les sens...

Juste en haut de la colline que nous avons gravie, vue magnifique sur le lac, paysage grandiose avec des milliers d'oliviers...

 

Puis nous sommes repartis pour voir une autre fête sur une autre rive du lac. Encore plein de voitures, de tracteurs et de motos. Cette fois nous nous trouvons directement sur le bord du lac, avec encore une foule immense, le même cercle et ses musiciens... Là les drapeaux et les slogans était plutôt en faveur de Barzani, le chef d'un des deux grands partis kurdes d'Iraq.

Et il y avait ce jour là des fêtes identiques dans tout le territoire kurde de Syrie et d'ailleurs.

 

En milieu d'après midi nous sommes retournés à Alep où nous avons bu un thé, puis nous avons rejoint Aïn el Arab au nord-nord-est à la frontière turque, petite ville d'où est originaire mon ami Yassin et où il a toute sa famille. Même genre de réception dans cette pièce avec coussins et télé...

Ce qui frappe immédiatement quand on arrive, c'est la pauvreté de la ville, rues en terre défoncées, maisons en parpaings mal finies, gamins partout qui jouent dans la rue... mais grande gentillesse des gens. On sent bien que le gouvernement délaisse complètement cette zone où habitent les kurdes.

 

Je ne vous ai pas dit, mais Yassin est musicien, il joue du bézeq, instrument qui ressemble un peu au luth mais avec une caisse plus petite et un long manche, et qu'on trouve partout en Turquie, et en Grèce sous le nom de bouzouki. Du coup il a plein d'amis musiciens à Aïn el Arab. 

Le lendemain nous sommes partis avec l'un d'eux sur les bords de l'Euphrate pour pique-niquer avec un temps magnifique. Et nous avons pu boire tranquillement quelques bons araks, ce qu'on ne peut faire qu'en cachette quand on est en ville.

 

Le soir, soirée musique chez un autre ami de Yassin, nous étions 13 dont un joueur de bezeq, deux chanteurs et bibi avec ma flûte des Andes. Pour le repas on étale une grande toile cirée au milieu de la pièce, on pose plein de plats dessus et on se met à manger; heureusement dans cette maison l'arak coulait à flot!!! Puis suivirent deux heures de musique et de chants, enivrant! (ils ont quand même coupé le son de la télé pour l'occasion!).

 

Le lendemain retour direct à Damas.

 

Voilà! A bientôt sur cette toile pour de nouvelles aventures...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



01/04/2011
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