Semelles de vent

VISITE EN SYRIE LIBÉRÉE

Depuis mon retour forcé de Damas, j'ai songé à me rendre en Turquie du sud ou en Syrie du nord pour aider les syriens dans les camps de réfugiés. J'ai commencé à chercher des organisations ou des gens susceptibles de m'aider ou de me proposer quelque chose. Mais ça n'a pas été facile! Tous les syriens et les organisations impliqués dans l'aide humanitaire pour la Syrie que j'ai rencontrés m'ont dit que c'était formidable, qu'ils allaient m'aider... puis plus rien, impossible de les recontacter, pas de réponse! Heureusement, un jour que je dînais chez mon copain Prosper dans son restau "La Rose de Damas", je lui parlais de mon rêve et il me dit qu'il avait un cousin qui s'occupait de tout ça. Ce cousin, Nizar, est venu le soir même au restau et il m'a parlé de projets en cours de l'UOSSM ( Union des Organisations Syriennes de Secours Médical). Il est responsable logistique de l'organisation. Le lendemain, le dimanche 17 février, je le rejoignais à Bonneuil pour aider à charger un semi-remorque avec des cartons de médicaments, des matelas, des lits d'hôpitaux... Puis il m'a parlé d'une ambulance d'occasion qu'il fallait acheter, et je lui ai dit que je pouvais m'en occuper. Aussi le lendemain nous sommes allés la chercher à Romilly sur Seine, à 150 km de Paris.

Abou-Mohamad. Nous chargeons des sacs de vêtements d'hôpital récupérés la veille à l'hôpital de Lonjumeau.

 

Le départ de l'ambulance et du semi-remorque était prévu pour le jeudi. Le camion partait directement à la frontière syrienne de Bab-al-Hawa, et nous partions Nizar, un ami syrien Abou-Mohamad (réfugié syrien venu avec sa femme française et ses deux enfants à Paris chez sa belle-mère) et moi-même avec l'ambulance. Le mercredi nous sommes allé récupérer des vêtements à l'hôpital de lonjumeau et une table d'opération dans une clinique de la même ville. Puis nous sommes retourné à Bonneuil pour finir de charger le semi-remorque, mise en sac de tous les vêtements récupérés, et chargement de cartons de médicaments dans l'ambulance.

Puis le jeudi à midi nous sommes partis pour l'aventure... 

 Votre serviteur et l'ambulance, un VW Transporter, prêts à partir.

 

Nous nous sommes d'abord rendus à Pleurs en Champagne visiter un ami syrien, docteur qui vit en France depuis 35 ans. Il a aussi une grande pharmacie dans cette ville, nous avons chargé deux cartons de machines à oxygène. Puis nous avons taillé la route jusqu'à Trieste où nous sommes arrivés à 3h du matin. Le lendemain nous avons mis l'ambulance dans la file des camions attendant d'embarquer dans un gros cargo, le jour d'après l'ambulance a trouvé sa place dans le cargo, et le dimanche soir un car affrété pour les chauffeurs nous a emmenés à Liubliana en Slovénie pour prendre un avion pour Istanbul. (pas d'aéroport à Trieste!).

Trieste, l'ambulance monte dans le cargo.

 

A Istanbul nous avons pris un autre avion pour Adana où nous avons loué une voiture pour nous rendre directement à Bab-al-Hawa, le poste frontière syrien. A la douane turque ils ne laissent pas passer les étrangers, aussi je me suis faufilé dans un groupe qui passait et me suis retrouvé côté syrien.

A Bab-al-Hawa nous avons retrouvé notre ami le médecin de Pleurs avec un autre médecin syrien vivant en France, Yahya. Un des deux grands bâtiments de la frontière syrienne a été transformé avec l'aide de la France et du Danemarck en hôpital. A la sortie de la douane côté syrien, un grand camp de tentes est installé, plein de gens sont assis dans l'herbe par petits groupes sous le linge qui sèche (voir photo plus bas).

Puis nous embarquons dans un minibus conduit par un syrien volontaire pour transporter des humanitaires, Mo'ataz. Et en route pour la Syrie libre! D'abord Atmé où Mo'ataz nous offre le thé chez lui, puis Atareb où nous rencontrons des hommes de l'Armée Libre dans un bâtiment administratif repris qui leur sert de QG.

Retour à Bab-al-Hawa, car la frontière turque ferme à 5h. 

 Le nouvel hôpital de Bab-al-Hawa dans les locaux de la douane.

 

Puis nous allons à la ville voisine de Reyhani (en Turquie), d'abord dire bonjour au bureau de l'UOSSM, puis chez un médecin syrien de Damas, réfugié ici, qui a un grand appartement juste à côté, ou il loge des volontaires. Nuit réparatrice après ce "Trieste - Bab-al-Hawa" sans dormir. 

Le lendemain matin nous allons dans les bureaux de l'UOSSM nous faire faire des cartes de l'Organisation, qui vont nous aider à passer facilement la frontière turque. De nouveau Bab-al-Hawa où nous passons sans problème. Nous retrouvons nos médecins et notre chauffeur et repartons pour une tournée vers le Jebel Zawiyé. 

Première impression dans ce voyage en Syrie, c'est que sous un ciel bleu plein de soleil, le printemps est arrivé. Sous les milliers d'oliviers qui couvrent des collines douces, la terre est verte d'herbe fraiche parsemée de fleurs jaunes et violettes. Ensuite, tout au long du trajet, à part les moments de visite aux groupes de l'armée libre, on n'a pas du tout l'impression d'être dans un pays en guerre. Les villes et villages traversés paraissent vivre une vie normale, peut-être avec un peu moins de voitures que d'habitude, et un peu plus de saleté. Bien sûr, quand on discute avec les gens, on se rend compte que la vie reste difficile, à cause des prix des produits de première nécessité, de l'essence, du manque de soins... mais la vie se réorganise petit à petit. A un seul moment nous entendrons une dizaine de fortes explosions, et on me dit qu'elles proviennent d'un camp militaire du gouvernement, assez éloigné et isolé, d'où les soldats tirent de temps en temps au canon dans des directions aléatoires, juste pour faire peur.

Une chose qui frappe quand on arrive en Syrie, c'est que beaucoup d'hommes, surtout des jeunes, se laissent pousser la barbe. Evidemment ça brouille les pistes pour les journalistes qui recherchent avant tout les barbus salafistes!!! C'est une manière de se montrer anti-régime. 

Après Atmé, de nouveau Atareb où nous nous arrêtons près de grandes tentes blanches qui servent d'entrepôt pour des cartons de médicaments et autres produits pour hôpitaux apportés de l'étranger. Un petit camion est en train de charger, il nous accompagnera jusqu'à Ariha.

Puis nous nous dirigeons vers le sud jusqu'à Taftanaz où un gars de l'armée libre monte avec nous en protection. Avant d'arriver à Saraqeb nous empruntons une portion de l'autoroute Alep-Lathaquié libérée, jusqu'à Ariha. Nous avons contourné la ville d'Idlib, capitale régionale encore aux mains de l'armée gouvernementale. En route nous nous arrêtons dans une grande station service qui n'a pas d'essence, mais qui vend à la place des milliers de bidons d'huile de tournesol. Nous en chargeons une trentaine dans le camion qui nous accompagne.

A Ariha nous rendons visite à l'armée libre dans une école qui lui sert de QG. Discutions, interview de jeunes recrues... 

Un canon anti-aérien hors d'usage attire l'attention.

 

Puis c'est Al-Barah, et Kan Safra le but de notre périple. Ici se trouve le seul hôpital de la région. Visite en détail sous l'oeil attentif des deux médecins, qui pour finir posent plein de questions au directeur sur la marche de l'hôpital et les besoins qu'il a, pour savoir quoi amener lors des prochains convois.

Il est tard et nous ne pouvons plus retourner en Turquie ce soir. Nous reprenons donc la route jusqu'à Atmé où notre chauffeur nous propose un bon dîner et le coucher. Tout au long du trajet nous nous arrêtons pour discuter avec des gars de l'armée libre.

Le lendemain mercredi 27, nous retournons à Bab-al-Hawa pour discussion avec les gens de l'hôpital. Déjeuner de foul-bi-laban à Sarmada avec un gardien de l'hôpital. 

A Bab-el-Hawa les réfugiés passent le temps près du camp.

 

Puis nous prenons la route pour Mersine, le grand port au sud d'Adana, pour récupérer notre ambulance. A 7h nous sortons l'ambulance du cargo, un gars de l'agence turque qui s'occupe des transfères pour l'UOSSM s'occupe des papiers, et nous annonce qu'on doit passer l'ambulance aux rayons x. C'est dans un énorme tunnel où sont scanés les semi-remorque! Un responsable nous annonce que le chargement doit être vérifié par un spécialiste. Une heure d'attente puis on sort les cartons qui sont tous vérifiés. Le vérificateur nous dit qu'il garde les cartons de médicaments, pour lui c'est peut-être du poison!!! Finalement après discussion animée avec le chef, on garde tout. Mais il faut encore passer à la douane, et là les 4 cartons de médocs nous sont confisqués. Re le chef de la douane qui nous assure qu'on nous les rendra le lendemain, et il est minuit 1/2. On n'a jamais pu les récupérer. Soupçons, la revente de médicaments marche bien!!

Le lendemain jeudi 28, on passe voir un ami pendant que Abou-Mohamad essaie de récupérer les cartons, mais en vain. On repart pour l'aéroport d'Adana pour rendre la voiture louée, puis retour à Reyhani sous la pluie et l'orage.

Le vendredi se passe en palabres multiples toujours à Bab-el-Hawa, il y a en effet 2 semi-remorque venus de France qui attendent d'être vidés depuis un certain temps, mais encore ce jour là personne ne viendra! Pour Nizar le logisticien c'est un casse-tête. On se rend compte que les syriens, après 40 ans de dictature, ne savent pas encore bien travailler ensemble, beaucoup de baratins pour une efficacité incertaine...

En tout cas l'ambulance est maintenant en Syrie à la disposition de l'hôpital de Atareb.

Le semi-remorque de Paris doit arriver mardi à Bab-el-Hawa, et rien de spécial à faire d'ici là. Aussi je décide de retourner à Paris avec Abou-Mohamad, et nous prenons l'avion à Antakia pour Istanbul et Paris le lendemain matin samedi.

Pendant le voyage, deux petites jumelles si mignonnes!!! Belle image pour la journée des femmes.

 


 

Voilà, salut à tous et à bientôt.

(un álbum photos suit. J'ai pris plein de films, mais je ne sais pas encore faire le montage...)

 

 

 

 

 

 

 

 

 



05/03/2013
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