Semelles de vent

VOYAGE EN SYRIE



VOYAGE REMARQUABLE AUTOUR DE LA SYRIE PAR ALESSANDRA ET BERNARD

Départ le dimanche 31 janvier avec une voiture de location (Ford Eco-Sport pour les connaisseurs), direction Homs puis Hama, vers le nord. De Hama nous prenons la direction NO vers Apamée, site peuplé depuis le III° millénaire av JC, et qui connut son âge d'or entre les IV° et XII° siècles.La cité telle qu'on la voit fut fondée par Séleucos, épigone d'Alexandre, après 300 av JC. Ce qui frappe dès l'abord c'est cette Grande Colonade de 1km850 qui était l'artère principale de la ville. Au I° siècle de notre ère Apamée comptait plus de 500000 habitant.
Juste à côté et qui domine le site, se trouve la citadelle Qalaat el-Moudiq perchée sur une colline et entièrement habitée. Elle surplombe à l'O-NO la plaine du Ghab où coule l'Oronte, extension vers le nord de la plaine de la Békaa entre le mont Liban et l'Anti-Liban, et qui est très cultivée.
Malheureusement une légère brume recouvrait ce jour là toute la région, donnant cependant un petit air mystérieux au site.

Entre Hama et Apamée nous avons aperçu le château de Chayzar (pas de photo!), et à ce propos je vous recommande la traduction d'André Miquel: "OUSAMA, un prince syrien face aux croisés" (coll. Texto chez Tallandier). Cet homme raconte sa vie de 1095 à 1187, c'est passionnant et très bien écrit. C'est dans ce château qu'il est né et a passé une partie de sa vie.

Après un pic-nic frugal (mais quand même du pâté de campagne (merci Annie!!) et du bon vin du Liban), nous sommes remonté vers le nord pour atteindre la partie sud du Massif calcaire. Le Massif calcaire, dont l'altitude varie entre 400 et 500m, s'étend entre Maaret-Noman au sud et Saint-Siméon au nord sur une centaine de km, et recèle pas moins de 700 sites antiques, villes et surtout villages ayant prospéré entre les III° et VI° siècles, puis ayant été abandonnés. Construits en gros appareil de pierre, maisons, églises, moulins à huile...sont souvent encore en bon état, certains semblent abandonnés d'hier.

Nous nous arrêtons à al-Bara, ville qui a pu compter jusqu'à 5000 habitants, et qui a été complètement envahie par des vergers, des petits champs et de nombreux murets et petits sentiers. Tout est tellement enchevêtré que nous avons fini par nous perdre et que nous n'avons pas pu aller jusqu'à Sergilla, autre site remarquable de cette partie du Massif.

Reprise de la route, de nuit, jusqu'à Alep où un petit hôtel très sympa nous attendait
ainsi qu'un bon repas de brochettes locales (kébab-halabi), hommos, moutabbal...

Alep, Hama, Homs et Damas, s'égrainent sur une ligne nord sud qui est l'axe éconnomique traditionnel de la Syrie, zone de contact entre steppe et terres cultivées, entre nomades et sédentaires.
Alep est surtout célèbre pour sa citadelle, pour ses souks couverts parmi les plus beaux du monde arabe, et pour sa longévitée, puisqu'elle se dispute avec Damas le titre de plus vieille capitale habitée sans discontinuer.
Journée consacrée à la visite de la citadelle et à une grande balade dans les souks où Alessandra, qui rentre à Bruxelles dans 10 jours, en profite pour acheter foulards de soie et savons d'Alep. Du haut de la citadelle, vue exceptionnelle à 380° sur toute la ville. Les souks sont très colorés et s'y activent beaucoup plus de bédouins qu'à Damas.

Le lendemain nous partons faire une virée dans la partie nord du Massif calcaire, pour visiter ses deux fleurons que sont Saint-Siméon et Qalb-Lozé, dans des paysages magnifiques.
Saint Siméon dit "le stylite" (mort en 459), est resté 36 ans au sommet d'une colonne, attirant des foules de pèlerins de la région; puis à sa mort le lieu est devenu un grand centre de pèlerinage où a été construit un grand ensemble architectural. Autour de sa colonne sont construites quatre basiliques en croix.
Depuis le site on peut admirer des paysages grandioses: la pierre blanche apparaît partout ponctuée d'herbe verte, de l'ocre des champs labourés et des vergers d'oliviers.
Un calme extraordinaire pousse à la méditation (nous sommes les seuls touristes ce jour là), on s'attarde et on flâne...
A l'entrée du site un café avec tables sous les arbres nous accueille pour un bon café turque et un jus de grenade.

Nous reprenons la route pour Qalb-Lozé à une cinquantaine de km de là, toujours à travers ces montagnes douces de pierre calcaire blanches à l'infini, croisant de petits villages calmes et champêtres.
De Qalb-Lozé sur les hauteurs du djébel Ala, il ne reste que l'église au milieu d'un village peuplé de druzes, construite vers le milieu du V° siècle et très bien conservée.
Les enfants du village nous accompagnent en faisant les clowns pour être pris en photo.

A un km de là, Qirqbizé que l'on domine avant d'arriver, est le type même de ces villages abandonnés du Massif calcaire, tout est en place plus ou moins ruiné, comme figé par le temps: l'église, des maisons, une tour et une citerne... Au bout du village une vue imprenable sur la plaine en contrebas et sur les montagnes.
Nous reprenons les petites routes qui serpentent à travers le Massif, éblouis par tant de beauté, et rejoignons Alep en fin d'après midi.

Une bonne nuit puis nous entreprenons une balade de trois jours sur l'Euphrate.

Ici un peu de géographie: l'Euphrate (2330 km) prend sa source dans les monts Taurus en Turquie, traverse la Syrie sur 600 km avant de poursuivre sa course en Iraq où il rejoint le Tigre dans le Shatt el-Arab sur le Golf Persique. Un grand barrage (barrage de Tabqa) est construit entre 70 et 75 (barrage poids en terre long de 4,5km et haut de 60m) donnant naissance à un immense lac (le lac Assad), qui s'étend sur 80km de long et sur 640km2, retenant 12 milliards de m3 d'eau.
La construction en amont par les turques d'un nouveau barrage a réduit le débit du fleuve et provoqué une guerre de l'eau. Les syriens du coup ont construit un deuxième barrage (barrage de Tichrine) pour réguler l'approvisionnement en eau du premier. Ce sont ces deux lacs que nous allons longer les deux premiers jours.

Nous prenons la direction NE vers Al Bab et Mandjib où nous bifurquons plein est pour atteindre la rive du flauve. Terre ocre, oliviers et champs cultivés verts, fleuve bleu et nuages menaçants gris ponctués de coins de ciel bleu qui laissent passer le soleil, spectacle majestueux et fascinant. Villages de maisons en terre aux angles arrondis et badigeonnés tous les ans de terre et d'eau, donnant cet aspect de douceur à l'ensemble.
Dans le très beau bouquin de Hugues Fontaine et Bernard Noël, "Euphrate, le pays perdu", vous trouverez des photos magnifiques de cette région avant la construction du barrage de Tichrine.

Nous reprenons une route vers le nord et au niveau du pont qui traverse le fleuve nous nous engageons sur une petite route de terre qui nous mène de hameau en hameau à travers un paysage de collines ocres et vertes qui dominent l'étendue d'eau.
Je pense retourner au printemps dans cette région magique et m'installer pour une semaine dans un de ces villages pour faire un reportage plus approfondi.

Évidemment aucune carte ne mentionne toutes ces petites routes et nous nous perdons bel et bien jusqu'à ce qu'un jeune en moto accepte de nous précéder pour nous mener à la grande route.
Nous traversons le pont et longeons le fleuve vers le nord jusqu'à la frontière turque où se trouve la petite ville de Jarablous. Il s'est mis à pleuvoir, il fait un froid de canard, la nuit est tombée et cette ville est sale et laide. Après toutes les beautés que nous avons vues dans la journée, le contraste est désolant. Un seul hôtel pour nous accueillir, si on peut appeler ça un hôtel! C'est plutôt un lieu où l'on peut dormir: quelques chambres avec 4 ou 5 lits disposés n'importe comment, ménage jamais fait, couvertures et draps sales en vrac, un poêle à pétrole qu'on a eu du mal à se faire allumer... cafard!!!

On dégotte quand même un petit restau-boucherie propre et accueillant où quelques turques boivent un thé. Ce genre de gargote est fréquent en Syrie, d'un côté la boucherie avec son comptoir-table à découper la viande, sa cheminée où scintille la braise, quelques pièces de viande pendues à des crochets et le patron qui prépare les brochettes avec herbes, tomates et oignons; de l'autre la salle avec quelques tables et des chaises, une télé allumée en hauteur (incontournable!), et les clients bien sûr.

Bon petit dîn-dîn arrosé de thé tout en discutant avec notre hôte; conversation habituelle, d'où vous êtes? vous êtes mariés? c'est votre fille? qu'est-ce que vous faites?
vous avez des enfants,... la question mariage et enfants est récurrente et revêt beaucoup d'importance ici.

Je vous passe la nuit, froide, mauvais sommeil, Alessandra en attrape un début de bronchite...
Le lendemain après un petit déjeuner dans la même gargote que la veille, nous prenons la route directe pour Manbij, pour de là rejoindre le pont que nous retraversons. Mais cette fois nous prenons vers le sud pour essayer de longer l'Euphrate jusqu'au barrage de Tichrine. Je dis "essayer" car les cartes ne sont pas plus précises sur cette portion du territoire. Nous arrivons jusqu'à Sérine et deux km plus loin la route tombe dans le lac!!
Des jeunes en moto arrêtés sur le bord nous disent qu'il existe bien une route qui mène au barrage et nous les décidons à nous y accompagner, car nous n'avons rien vu en passant. Nous remontons la route sur 2km, et ils nous montrent, derrière l'école, un chemin de terre boueux et chaotique, serpentant entre les maisons, en nous disant: c'est par là!
Un peu sceptiques nous nous engageons quand même, et après 300m tortueux, ô surprise! le chemin se continue en une superbe route asphaltée toute neuve! Sans nos guides et sans savoir parler la langue nous ne nous en serions jamais sortis et aurions fait demi tour.
Jusqu'au barrage de Ticherine puis jusqu'à celui de Tabqa nous ne rencontrerons aucune voiture, comme si la route n'avait été installée que pour nous!

Paysages toujours inouïs un peu plus désertiques qu'au nord. Prise de quelques bédouins en stop d'un village à l'autre, déambulation calme et sereine...
Puis arrivée au château de Qalaat Jaber. Avant 75 c'était un château perché sur une colline qui dominait la plaine, après la mise en eau il se retrouve sur une presqu'île, mais reste impressionnant. Toujours pas un touriste à l'horizon, nous buvons un café sous les arbres sur la terrasse où une grande tente chauffée par un poêle à bois nous accueille; il fait encore un froid de canard mais le temps reste au beau fixe.

Puis c'est le barrage de Tabqa que nous empruntons sous l'oeil des militaires en arme qui nous interdisent de prendre des photos. Nous en prenons malgré tout une ou deux.
Arrivés sur la grande route qui relie Alep à Deir ez-Zor, nous prenons plein sud à travers le désert pour aller visiter Résafé, place forte créée par Dioclétien en plein désert pour contrer une invasion perse (en 256 ap JC). Impressionnant rectangle de 400 x 500M entouré de murailles que défendent 50 tours. Cette garnison sera détruite par les mongoles au XIII° siècle. Après le martyre de St Serge au début du IV° siècle, Résafé devint un important lieu de pèlerinage.

Puis nous remontons sur Deir ez-Zor. Sous le mandat Deir ez-Zor n'était qu'une bourgade, centre d'échange pour les bédouins. Depuis la découverte de pétrole aux alentours, elle est devenue une grande ville de 160000 habitants.
Bon hôtel agréable et bien tenu, bon restau avec viande et mezzé.

On est vendredi, il nous reste à visiter trois sites sur l'Euphrate. D'abord au nord la citadelle byzantine de Halabiyé, installée sur la pente d'une montagne qui domine l'Euphrate, par la reine Zénobie au III° siècle av JC. A cet endroit un pont de bateaux nous permet de traverser le fleuve et de voir en retournant vers Deir ez-Zor le château de Zalabiyé qui lui fait presque face. Ces deux places fortes sont construites à l'endroit ou la plaine se ressert le plus, et surveillaient le passage.

Au sud de Deir, le château de Qalaat Rahba fièrement perché sur sa butte rocheuse. Nous y pique-niquons sous un vent glacial (toujours terrine et bon vin!), puis nous dirigeons vers Doura-Europos, à 30 km de la frontière iraqienne; ville forteresse fondée par Séleucos l'épigone d'Alexandre en 303 av JC, elle fut parthe, puis romaine et succomba sous les assauts des Perses en 256 ap JC. (d'où la construction de Résafé).

Descendus jusqu'à Abou-Kamal à la frontière, nous pensons prendre la route qui relie directement Palmyre, mais tous les gens que nous questionnons nous en dissuadent en nous la décrivant comme impraticable. Tout penauds nous remontons sur Deir pour y passer une deuxième nuit.

Deir ez-Zor - Palmyre, 200 km de désert. Un grand soleil et une température douce nous y attendent, et c'est toujours l'émerveillement devant ce site envoutant.
Deux heures de balade avant de reprendre la route de Damas où nous arrivons avant la nuit.

Salut à tous, j'espère ne pas vous avoir trop ennuyé !






 











12/02/2010
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